Annexe

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La pièce des Rhétos, patrimoine immatériel de Saint-Benoît Saint-Servais

Chaque fois les élèves de Saint-Benoît Saint-Servais montent sur les planches pour interpréter la « pièce des Rhétos », ils s’inscrivent en fait dans une tradition multiséculaire du théâtre scolaire en général, et de la pédagogie jésuite en particulier. Les disciples de Saint Ignace n’ont-ils pas toujours considéré que le théâtre constituait un outil privilégié d’éducation ?

Ainsi, dès que le Collège Saint-Servais, fondé en 1828 par l’abbé Julliot, fut repris par les Pères et frères de la Compagnie de Jésus en 1838, vit-on systématiquement apparaître au programme scolaire deux ou trois activités théâtrales par année scolaire… sauf pendant les deux guerres mondiales. L’organisation de celles-ci fut largement facilitée par ailleurs par la construction – en 1896 – de la « grande salle » du Collège, qui fit sensation à l’époque par ses structures métalliques contemporaines de la tour Eiffel et par sa capacité (quelque 675 places aujourd’hui), qui en fit au tournant des Années Folles la plus grande salle de spectacle de la Cité Ardente !

Au XIXème siècle, le répertoire, très souvent agrémenté d’intermèdes musicaux, compta surtout des drames historiques, très prisés à l’époque, et illustrant soit l’histoire de Belgique, soit celle de l’Antiquité grecque et romaine. Mais le répertoire français ne fut pas oublié, avec une prédilection – semble-t-il – pour Racine : ainsi, Athalie fut représenté quatre fois de suite jusqu’à la première guerre mondiale.

William Shakespeare, lui, hanta les murs du Collège en 1926, avec Hamlet, et 1938, avec un Jules César interprété à l’occasion du centenaire du Collège. Mais les pièces mises en scène– jusqu’alors devaient subir une adaptation majeure : la mixité n’étant dans les mœurs, ni de la société, ni du Collège, tous les rôles féminins étaient systématiquement « masculinisés »… avec plus ou moins de bonheur faut-il l’écrire…

C’est en 1969, après une interruption de quelques années, que la tradition dramaturgique fut reprise. Il faut y voir l’empreinte des Pères Jacques Schuind, et surtout Henri Lambert. Ce dernier brandit pendant près de vingt ans le flambeau de la pièce des Rhétos du Collège. Il fut bien vite rejoint par de jeunes collègues laïcs, tenaillés comme lui par le démon du théâtre : Piere-Paul Delvaux, Michel Georis, Maurice Husson, Jacques Radoux ou Marianne Larsy.

Plus question, à une époque où la coéducation garçons-filles était à l’ordre du jour, de jouer des pièces avec des rôles exclusivement masculins : aussi, fit-on appel – avec l’accord enthousiaste des Rhétos eux-mêmes… – à la collaboration des écoles de filles avoisinantes : Sainte-Véronique, Saint-Jacques, puis l’école des Bénédictines qui devint au fil du temps le partenaire privilégié dans le cadre d’un rapprochement organique avec le Collège qui se dessinait à l’horizon. C’est de cette époque que datent des réalisations aussi ambitieuses que Fuente Ovejuna de Lope de Vega, Don Quichotte d’Yves Jamiaque, Barrabas de Michel de Ghelderode, l’Oiseau Bleu de Maeterlinck - où Sœur Julienne, titulaire de Rhéto aux Bénédictines, laissa une empreinte inoubliable - voire Peer Gynt d’Ibsen, le Dragon ou Zoo… Le couronnement de ce mouvement se produisit en 1988, lorsque, à l’occasion du 175ème anniversaire du Collège, Henri Lambert créa « Errances », un florilège des pièces montées par les Rhétos pendant les vingt années précédentes, interprété par les acteurs de l’époque.

Au début des années nonante, l’équipe actuelle, composée de Vincent Libon, un professionnel du monde du théâtre, dont le père, Paul, avait déjà marqué les réalisations théâtrales du Collège de l’immédiat après-guerre, et Yves Martini, un pédagogue passionné, prit la relève pour faire vivre ce patrimoine immatériel du Collège qu’est la « pièce des Rhétos »…

 

Roland Marganne,
titulaire de Rhétorique